Céline Rohmer, «Aux frontières du discours en paraboles (Mt 13,1-53)», Vol. 92 (2011) 597-610
The parable discourse (Matt 13,1-53) belongs to a narrative structure that connects it to its two short bordering episodes. The first stages Jesus’ physical family (12,46-50) and the second stages his fatherland (13,54-58). This article purposes to show how this setting guides the discourse’s reading and how it highlights its effects on the hearers. The theme of the link passes through the three apparently independent stories. It also sets a high value on the new relationship with God. This relation is designated by Jesus and narrated from 12,46 to 13,58.
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AUX FRONTIÈRES DU DISCOURS EN PARABOLES
tions de paraboles (vv. 24.31.33.45.47). Contrairement aux deux récits en-
cadrants, les auditeurs sont ici participants de l’acte de parole qui se déroule
devant eux, pour eux puis avec eux. La parole qui circule est productive et
génère du récit, elle relie les sujets entre eux et oriente leur parcours narratif.
L’interactivité dont elle témoigne ne laisse aucun personnage à l’extérieur du
lieu de parole (comme en 12,46-50). Il n’est en effet jamais fait mention de
personnages qui se mettent à distance du locuteur, c’est au contraire Jésus qui
maîtrise les prises de distance. Son personnage est à l’initiative des mouve-
ments signalés aux vv. 1-2; v. 36 et v. 53. Les auditeurs interrogent ce qu’ils
entendent, ils ne s’attardent pas à la surface de l’événement comme en 13,54-
58. Le déploiement du discours montre la connivence qui se crée entre les
personnages et les paraboles: les distances s’amenuisent, la parole circule.
D’un point de vue strictement formel, la brièveté des deux récits encadrant est
déjà en partie le signe d’une communication manquée, qui n’a pas eu le temps
de se construire dans la durée. Le déroulement du parler en paraboles sur 53
versets est un indice formel pour estimer la communication établie. Parce que
Jésus insiste, parce qu’il répète et qu’il propose encore une fois un autre récit,
paraboles et personnages ont la possibilité d’interagir. Leurs déplacements se
font au sein de l’acte de communication et ne se situent plus sur un plan
topographique. L’intérieur et l’extérieur qui délimitaient le lieu de parole en
12,46-50 sont transposés dans les récits paraboliques où espace et temps se
trouvent fragmentés 17. La participation des auditeurs au langage parabolique
génère toujours plus de paraboles: à chacune de leur question correspond une
nouvelle série de paraboles. Cette productivité narrative est d’autant plus
valorisée qu’elle est stoppée nette par une parole vaine et superficielle
aussitôt après. En 13,54-58 la parole stérile met en effet un terme au récit
de Jésus dans sa patrie: il est contraint de quitter ce lieu pour poursuivre
son ministère ailleurs. Mais en se déplaçant, il déplace ses auditeurs.
Institut Protestant de Théologie Céline ROHMER
13, rue Louis Perrier
34000 Montpellier
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Les paraboles organisent l’espace et le temps. Elles délimitent des zones
qu’elles font fonctionner généralement en opposition. Par exemple, la para-
bole du semeur (13,4-8) organise l’espace en fonction des différents lieux de
semences (le chemin ð les pierrailles ð les épines ð la belle terre); la pa-
rabole du filet (13,47-50) développe deux espaces opposés en racontant le tri
effectué; les paraboles dites de croissance insistent sur le déploiement chro-
nologique du temps et en racontent des étapes.