Alain Martin, «Matthieu 1:16 dans le palimpseste Syriaque du Sinaï», Vol. 15 (2002) 87-94
In the present article, the author analyses a variant reading of Matt. 1:16 that only
appears in a Syriac palimpseste of St Catherine in Mount Sinai and which concerns an
important issue of the Christian dogma: the virginal conception of Jesus.
Matthieu 1:16 dans le palimpseste syriaque du sinaï 93
Qui est le père de Jésus, Joseph ou le Saint-Esprit? En fait la variante
de Sin. ne témoigne pas d’une contradiction dans l’Ecriture ou de son
inerrance, mais d’une tradition parallèle qui rejoint celle qui est deve-
nue classique en affirmant l’intervention divine dans la conception de
Jésus–Christ.
D’une façon plus générale, un théologien méfiant n’a rien à craindre
des variantes de manuscrit et de la critique textuelle. Ainsi la variante de
Matthieu 1:16 ne doit pas être étudiée en fonction de problèmes théologi-
ques postérieurs, mais comme témoignage d’une autre sensibilité au sein
de l’Eglise primitive. Ces variantes témoignent qu’il y a des problèmes,
devenus pour nous essentiels et générateurs de conflits, alors qu’ils ne se
posaient pas avec la même acuité au tout début de l’Eglise. La critique
textuelle nous fait prendre conscience de bien des anachronismes et que
problèmes devenus par la suite importants ne le sont pas au départ.
La critique textuelle apprend au théologien à clairement distinguer
entre l’essentiel et le secondaire (attitude bien calviniste!). Elle rappelle
que la Parole de Dieu n’est pas figée dans un texte ou dans un temps,
mais qu’elle est vivante et se développe dans l’histoire, ce qui est le rôle du
Saint-Esprit selon le Nouveau Testament.
La variante du palimpseste du Sinaï ne doit pas être considérée avec
malice comme la contradiction d’un dogme officiel; elle témoigne de la
richesse extraordinaire de l’Ecriture vivante perçue par sa transmission
dans les premiers siècles.
Post-scriptum
Dans son introduction à The Old Syriac Gospels (Londres 1910), Ag-
nes Smith Lewis signale d’autres variantes de la Vieille Syriaque pouvant
être l’Ãndice d’une évolution de la réflexion théologique sur Marie et la
naissance de Jésus dans les premiers siècles.
Matthieu 1:20: la variante de Sin. ‘est né d’elle’ (men = εξ) au lieu de
‘est né en elle’ (b = εν), fait écho à une remarque de Isho’dad de Merv qui
affirme que ‘né en elle’ est hérétique et que la bonne lecture est ‘né d’elle’.
Matthieu 1:20: Cureton a ‘ta fiancée’ alors que tous les autres témoins
syriaques et grecs ont ‘ta femme’. Est-ce une influence de ceux qui soute-
naient déjà la virginité perpétuelle de Marie?
Matthieu 1:21: Sin. ajoute à toi (Joseph) après ‘elle enfantera un fils’,
comme pour mieux souligner l’importance de Joseph. Cette variante se
trouve dans le Protévangile de Jacques, texte qui témoigne pourtant de la
naissance du culte marial. Cette leçon ancienne a pu être supprimée dans
les autres manuscrits bibliques pour minimiser le rôle de Joseph.