Christian-B. Amphoux, «Le Canon du Nouveau Testament avant le IVe Siècle», Vol. 21 (2008) 9-26
The recent debate on the date of the Muratori Canon has allowed it to be established that this was the first known list of Christian writings. But from the text called 'western', a stage is reached that is prior to the forming of the New Testament, whose history ranges from Clement in Rome, before the year 100, to Polycarpus, at the end of his life, around year 160, by way of Ignatius of Antioch, Marcion and Justine. The canon for the books of the New Testament is almost completely established towards the year 160, as a result of the dual tradition that comes at the same time from Antioch and Ephesus, written within the Jewish-Hellenistic culture, which will soon be abandoned in favour of the Greek-Roman culture.
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(1) Les lettres authentiques de Paul, écrites entre 50 et 63, sont lues comme
si elles nous parvenaient directement des mains de leur destinataire; or,
nous ne les connaissons qu’à travers leur réunion progressive en corpus,
depuis Clément de Rome, vers 95, jusqu’à Marcion, vers 140, et au-delà ,
pour les Pastorales et Hébreux; le plus ancien état manuscrit remonte Ã
vers 160 (avec les Pastorales) et après 180 (sans les Pastorales, mais avec
Hébreux). La collection comprend des lettres de disciples de Paul et le
texte des autres peut avoir été revu à plusieurs reprises. (2) Les évangiles
sont traités comme des livres écrits séparément et réunis à partir d’un
choix parmi d’autres: les caractéristiques littéraires du “texte occidentalâ€
mènent à une autre analyse: à partir de documents plus anciens, les rédac-
tions finales se font ensemble, dans un projet d’écriture de référence pour
les chrétiens. (3) Le projet en est développé dans la lettre aux Ephésiens
d’Ignace d’Antioche, qui en est le probable concepteur, mais il utilise pour
cela une écriture à deux niveaux de sens, le premier niveau nous étant
bien connu et le deuxième servant à dire son projet; il reste à approfondir
l’étude de cette lettre d’Ignace. (4) Ce qui va naître du projet d’Ignace est
probablement réalisé en deux temps par son successeur désigné, Polycar-
pe: d’abord, une association des quatre évangiles et d’un corpus de sept
à dix lettres de Paul, vers 120-130; puis une amplification de ces deux
collections, correspondant au contenu du Codex de Bèze, pour celle des
évangiles, et au Claromontanus, pour celle de Paul, vers 160. Entre les
deux éditions, le texte des premiers écrits rassemblés a peu varié, toutes
deux correspondent au texte de ces manuscrits, dit “occidental†en raison
de ses accords avec la tradition latine d’avant Jérôme. (5) Un travail de
révision a lieu entre les deux éditions de Polycarpe, après la défaite de Bar
Kokhba (135), et concerne les évangiles et les lettres de Paul: il se fait Ã
Rome, dans les écoles dont les maîtres sont Marcion, Justin et Valentin.
Mais ce travail n’aboutit pas à un résultat satisfaisant. C’est sans doute la
raison qui amène Polycarpe à entreprendre sa deuxième édition.
Le Canon de Muratori constitue un repère intéressant: il s’accorde avec
les transformations qui s’opèrent, à partir des années 170, au moment où
se fait le passage de la culture judéo-hellénistique à celle du monde gréco-
romain. Les écrits qui vont composer le NT sont réunis pour la plupart,
mais ils ne forment déjà plus des constructions savantes: le CM coïncide
avec le début d’une nouvelle phase de la formation du NT.
Le travail de révision qui accompagne cette nouvelle phase est entrepris
à partir des années 170. D’un côté, les nouveaux types de texte, alexan-
drin et antiochien; de l’autre, les premières listes de livres. L’attention
se concentre d’abord sur les évangiles et les épîtres de Paul, qui sont les
deux pôles du corpus. Après le CM, les listes de Mommsen et du Claro-
montanus attestent le nouvel état du travail, vers le milieu du IIIe siècle.