Xavier Levieils, «Juifs et Grecs dans la communauté johannique», Vol. 82 (2001) 51-78
The internal criticism of John’s Gospel and Epistles, and likewise of the Book of Revelation, certainly has much to reveal about the attitude adopted by the Johannine community regarding this capital fact of the opening of Christianity to the nations. The Greek text of these documents does not mask their Jewish origin, which gives us reason to believe that this community, established in Asia Minor, did not lose the influence of its Jewish heritage (Nazorean). The acceptance of the universal vocation of the Christian faith was progressive. First exercised in the familiar context of Palestine (Judea and Samaria), it was in Asia that the Johannine mission finally welcomed pagans into the Church, under pressure from existing communities influenced by Pauline thought. The crisis revealed in the Epistles focuses on this coexistence and on the particular theological concepts of the Jewish and Greek members of the community.
La postérité d’Abraham fait également partie de l’argumentaire théologique de Jean, bien que son traitement ait ses propres nuances. Elle est utilisée pour condamner l’orgueil ethnico-religieux des Juifs. Ceux-ci, en se prévalant de la postérité d’Abraham (8,33.39), exposent fièrement l’élection divine et le statut religieux hors du commun dont le bénéfice leur assure, quelles que soient les conditions politiques et sociales, une totale indépendance d’esprit. Le contraste avec les païens asservis à l’idolâtrie est sous-jacent. Sans nier l’authenticité historique de cette descendance, Jésus affirme qu’il est néanmoins nécessaire d’être affranchi par lui de cette réalité spirituelle et universelle de l’esclavage du péché, ce qui est conforme à l’enseignement de Rm 6,16-23. L’interpellation "Si vous êtes des enfants d’Abraham, faites donc les œuvres d’Abraham" se comprend mieux si nous prenons en considération la compréhension christologique des Ecritures et l’intérêt pour la démarche personnelle de la foi examinés plus haut. Les Juifs sont appelés à imiter la constance face à la vérité révélée, ainsi que la fidélité et la soumission à Dieu dont a fait preuve le patriarche. C’est cette marche par la foi qui l’a conduit à se réjouir de la venue du Messie (8,56). Il est difficile, étant donné la référence à la postérité d’Abraham, de ne pas mettre cette venue en relation avec la promesse de Gn 12,3 dont s’est servi Paul pour justifier la présence des païens dans l’Eglise. Ce texte montre qu’une partie de la communauté, peut-être encore liée à la synagogue car composée de "Juifs ayant cru en lui" (8,31), a donné un sens exclusif à la postérité d’Abraham et s’est affrontée à ce propos à une autre partie de la communauté qui avait une intelligence différente et plus ouverte de la descendance d’Abraham. Les préjugés nationaux de la première tendance se sont sans doute heurtés à l’entrée d’éléments non-juifs dans la communauté49.
Ces relations scripturaires ne permettent évidemment pas de conclure à une influence déterminante du paulinisme sur le johannisme. Les deux pensées sont trop profondément originales pour que nous puissions penser à une quelconque dépendance de l’une par rapport à l’autre. Mais on ne peut pas nier le caractère fondateur de la pensée de Paul quant à la réception sans condition des gentils dans l’Eglise. L’exercice de son ministère à Ephèse a été décisif pour l’évangélisation du reste de l’Asie50. Même s’il n’a pas été personnellement à l’origine de toutes les églises de la région, sa pensée a inévitablement laissé des