Alain Martin, «Matthieu 1:16 dans le palimpseste Syriaque du Sinaï», Vol. 15 (2002) 87-94
In the present article, the author analyses a variant reading of Matt. 1:16 that only
appears in a Syriac palimpseste of St Catherine in Mount Sinai and which concerns an
important issue of the Christian dogma: the virginal conception of Jesus.
Matthieu 1:16 dans le palimpseste syriaque du sinaï 91
donnée à un autre moment de l’histoire du texte, quand il fallu maintenir
l’existence des frères de Jésus contre le courant qui voulait affirmer la
virginité perpétuelle de Marie. Ceci dit, on peut penser que ces deux va-
riantes ne sont pas contemporaines, celle concernant Ï–Ïωτοτοκον étant
la plus récente et la plus attestée.
Ce qui est particulier à Sin., c’est qu’il a les deux variantes à la fois. On
pourrait donc y voir une affirmation radicale de la virginité perpétuelle
de Marie. Mais on peut aussi voir dans la version de Matthieu 1:25 que
donne Sin., le témoin le plus ancien: les mots “jusqu’à ce qu’elle enfanta...â€
pourraient être une adjonction faite au moment où cette forme première
fut interprétee dans le sens d’une virginité perpétuelle de Marie.
6. Pour essayer d’y voir plus clair, étudions, en tenant compte des varian-
tes, le mouvement du texte qui va du verset 16 au verset 25.
Trois points sont à souligner:
– le verset 16 où il est question de la relation entre Joseph et Jésus.
– le verset 18: Marie y est enceinte par la vertu du Saint-Esprit sans
que Joseph et Marie ne se soient rencontrés.
– le verset 25: oui ou non Marie a-t-elle pu avoir d’autres enfants
après la naissance de Jésus?
Par le choix des variantes, on peut privilégier dans ces trois versets le
caractère non-ordinaire de la conception de Jésus:
– Joseph n’est pas le père biologique de Jésus. (16)
– La conception de Jésus n’est pas le fait d’une intervention masculi-
ne. (18)
– A cause de cette conception hors–nature, Marie n’a pas eu de rela-
tions avec un homme.
Mais on peut aussi trouver une autre logique: celle d’une conception
naturelle de Jésus: Joseph serait bien le père biologique de Jésus (variante
de Sin.). Marie et Joseph ont eu une vie conjugale normale après la nais-
sance de Jésus et ont pu avoir d’autres enfants (v. 25).
Cette seconde logique se heurte à l’affirmation du verset 18 qui ne
témoigne d’aucunes variantes: la conception s’est faite sans cohabitation
de Joseph et de Marie (laissons l’hypothèse d’un autre amant pour Marie:
le texte n’en parle pas). Au milieu des autres versets, le verset 18 apparaît
comme l’affirmation centrale et inébranlable de la foi des premiers chré-
tiens; la conception de Jésus a eu lieu sans intervention masculine. C’est
pourquoi la première lecture paraît plus cohérente: pour bien manifester
l’événement unique de l’incarnation et de la naissance du Sauveur. Jésus