Paul Beauchamp, «Lecture christique de l’Ancien Testament», Vol. 81 (2000) 105-115

Attempting a Christ-oriented reading of the Old Testament is a challenge which invites objections and obstacles. What is the degree of legitimacy or of necessity which the New Testament (the Gospels and Acts) provides for such a reading? We are concerned with those texts which set forth the principle itself rather than with individual citations; such a reading appears as inseparable from the foundations of the faith. Other texts are illuminating for us with regard to the way of carrying this out. This article presents the first lines of a response, by means of a hermeneutical conversion. It presupposes that one cannot distance oneself from the literal meaning and from its spiritual and theological content.

3. La modalité de la lecture christique

        La lecture christique de l’Ancien Testament est celle qui a pour finalité d’"ouvrir l’intelligence" (Lc) à la foi dans le mystère du Christ. La science est contraignante. L’exégèse ainsi conçue ne l’est pas: on remarquera la discrétion de la formule lucanienne: "ouvrir l’intelligence" (Lc 24,45). Personne ne s’étonnera, cependant, étant donné la nature de la foi, que cette exégèse doive rester une démarche de type cognitif, avec son exigence de rigueur, tout en restant un exercice de liberté. Cette double exigence lui est dictée par sa modalité, qui est allocutrice: quid credas, quod agas, quo tendas: on n’a pas assez remarqué ces "tu", ces deuxièmes personnes du verbe. Allocutrice: cela implique le respect du destinataire, dans la discrétion du style qui ne prétend pas prouver sensu stricto, mais seulement éclairer²³. Le "oui" ou le "non" ou le "peut-être" qui répondent éventuellement à cette exégèse sont, en dernière analyse et compte tenu du type de relation, de même nature que le "oui", le "non", ou le "peut-être", qui répondent à la proposition de la foi. C’est donc seulement l’analyse de l’acte de foi, sur des bases bibliques faisant apparaître ses composantes de raison et de coeur, qui peut aller jusqu’au bout de la structure herméneutique d’une exégèse christique de l’Ancien Testament²⁴ L’inspiration ultime de cette lecture christique se trouve dans la disposition d’obéissance et de liberté qui fut celle de Jésus.

        L’acte d’interprétation qui conduit la lecture christique reste personnel et libre: suivre des règles ne l’en empêche pas. Le Nouveau Testament lui-même y incite. En particulier, les programmes de lecture qui proposent seulement "toute l’Écriture", "la Loi et les Prophètes" ou autres formules totalisantes, nous signifient énergiquement qu’il n’est pas de chemin tracé d’avance dans des ensembles aussi vastes. Il s’ensuit que plus l’interprétation est libre, plus elle est modeste et respectueuse, sachant qu’elle se perdrait si elle voulait déduire de l’Ancien Testament le mystère chrétien. Mais l’expérience apprend combien efficace et irremplaçable est ce désenclavement d’un "mystère" qui ne plane pas au dessus de l’histoire des hommes, puisqu’il est cette histoire.

        Ce qui précède nous aide, je l’espère, à pressentir — même s’il ne nous est pas possible de le développer maintenant — quelle atmosphère théologique doit accompagner, doit entourer l’exégèse christique de l’Ancien Testament. Nous la caractériserons sommairement par deux traits, la dimension esthétique et la dimension éthique: