Xavier Levieils, «Juifs et Grecs dans la communauté johannique», Vol. 82 (2001) 51-78
The internal criticism of John’s Gospel and Epistles, and likewise of the Book of Revelation, certainly has much to reveal about the attitude adopted by the Johannine community regarding this capital fact of the opening of Christianity to the nations. The Greek text of these documents does not mask their Jewish origin, which gives us reason to believe that this community, established in Asia Minor, did not lose the influence of its Jewish heritage (Nazorean). The acceptance of the universal vocation of the Christian faith was progressive. First exercised in the familiar context of Palestine (Judea and Samaria), it was in Asia that the Johannine mission finally welcomed pagans into the Church, under pressure from existing communities influenced by Pauline thought. The crisis revealed in the Epistles focuses on this coexistence and on the particular theological concepts of the Jewish and Greek members of the community.
Jean avec la théologie samaritaine montrent que les Samaritains qui se sont convertis au Christianisme ont intégré la mouvance johannique et que le développement doctrinal de celle-ci a pris en considération la spécificité des attentes spirituelles samaritaines, en particulier à propos de l’espérance messianique articulée autour de la figure de Moïse. Il faut toutefois noter que ce modèle messianique n’est pas exclusif et que Jean l’emploie aux côtés de conceptions conformes au messianisme juif, faisant de Jésus un personnage supérieur à celui de Moïse20. Cela montre que l’élément samaritain, même s’il a influencé la pensée johannique, reste un apport secondaire21 par rapport aux préoccupations spécifiquement juives contenues dans l’évangile.
Le récit que font les Actes de l’évangélisation de la Samarie nous permet d’approfondir l’analyse de cette intégration dans le courant johannique. La mission vers les Samaritains est imputée à l’Helléniste Philippe qui, suite à la persécution déclenchée par l’exécution d’Etienne, descendit dans une ville de la Samarie où il proclama le Christ avec succès22. Les Actes sont aussi témoins d’une tradition associant Pierre et Jean à cette mission23, ce qui nous permet de penser que les Hébreux, dont faisaient partie les proto-johannites, ont aussi participé à l’évangélisation de la Samarie. La critique des Hellénistes du Temple paraît peu compatible avec l’attachement des Hébreux au sanctuaire. Mais cette critique (qui se réduit à ce que l’on trouve dans le discours d’Etienne) n’est pas dirigée contre l’institution elle-même, mais contre l’extrême vénération dont elle était l’objet. Le culte du Temple n’incite pas au mouvement. Il est à l’origine d’un repli national qui empêche l’expression universelle de l’espérance d’Israël réalisée en Jésus le Juste24. Cela n’est pas inconciliable avec la façon dont Jean voit le Temple. Dans la pensée johannique, celui-ci revêt sa véritable signification religieuse dans la mesure où Jésus y a été présent et y a enseigné (7,14.28; 8,2.20; 10,23; 18,20). Il est le lieu où Jésus révèle aux Juifs sa nature divine et sa mission, comme si la médiation de Jésus-Dieu se superposait à celle du Temple pour la relation de Dieu avec son peuple. Ce type d’accomplissement christique était beaucoup