Xavier Levieils, «Juifs et Grecs dans la communauté johannique», Vol. 82 (2001) 51-78
The internal criticism of John’s Gospel and Epistles, and likewise of the Book of Revelation, certainly has much to reveal about the attitude adopted by the Johannine community regarding this capital fact of the opening of Christianity to the nations. The Greek text of these documents does not mask their Jewish origin, which gives us reason to believe that this community, established in Asia Minor, did not lose the influence of its Jewish heritage (Nazorean). The acceptance of the universal vocation of the Christian faith was progressive. First exercised in the familiar context of Palestine (Judea and Samaria), it was in Asia that the Johannine mission finally welcomed pagans into the Church, under pressure from existing communities influenced by Pauline thought. The crisis revealed in the Epistles focuses on this coexistence and on the particular theological concepts of the Jewish and Greek members of the community.
Tout d’abord, l’importance accordée à la vision universelle du salut opéré par Jésus-Christ. Le dialogue entre Jésus et Nicodème révèle particulièrement l’amour que Dieu porte au monde, c’est-à-dire à sa création déchue, et son désir de l’extirper des ténèbres grâce à la lumière manifestée par son Fils unique (3,16-21; voir 8,12). Jn 3,16 demeure le verset clef de l’expression de cet amour divin: le but de ce don est "que le monde soit sauvé par lui" (3,17). Il n’est pas question d’un jugement suprême qui devrait tomber sur les impies, mais d’un souci véritable de communiquer cette connaissance du Christ à ceux qui désirent être sauvés. Le Fils, détenteur de la vie éternelle, mais aussi apte à exercer le jugement divin, est prêt à communiquer le salut à ceux qui disposent convenablement leur cœur: "En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle, il ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie" (5,24; voir 3,36). Le "pain de vie" est destiné à tous. Jésus affirme clairement qu’il ne mettra pas dehors celui qui vient à lui pour que "quiconque (pa=j) voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle" (6,35-40). La figure johannique de Jésus dépasse les modèles de représentation juifs, qui étaient ceux de la première communauté, non pas pour se mouler dans de nouveaux concepts inspirés de la pensée grecque, mais pour transcender tous les schémas de pensée du Ier siècle de notre ère. Les paroles de Jésus et de l’évangéliste adressées à l’auditoire restent en effet très générales et ne visent aucune catégorie de personne comme plus particulièrement susceptible de recevoir le salut. Les tournures qui prennent à parti les auditeurs sont très impersonnelles. Elles sont le plus souvent construites avec l’article suivi du participe présent, comme le montre l’exemple le plus fréquent du verbe "croire" (o( pisteu/wn: 1,12; 3,18.36; 5,24; 6,35.47; 7,38; 11,25; 12,44; 14,12; 17,20), quelquefois accompagné de l’adjectif pa=j (3,15.16; 12,46; voir 1,7) qui renforce l’idée de totalité. Cette construction, avec ou sans pa=j (et deux fois avec le participe aoriste: 6,45 et 7,39), se retrouve pour toutes les situations où l’auditeur est appelé à se définir par rapport au Christ32. L’emploi répété de tij (6,50.51; 7,17; 8,51; 10,9; 11,9; 13,18; 15,6) pour stipuler les mêmes conditions complète l’idée d’universalité puisque ce terme est à la fois assez flou et assez général pour comprendre tout le monde. L’objectif