198 JEAN-NOËL ALETTI alors, pourquoi Paul ne passe-t-il pas directement du v. 10 au v. 13, ce qu’en principe la gezerah shawah l’autorise à faire? Parce que, s’il était allé directement du v. 10 au v. 13, l’impuissance radicale de la Loi n’aurait pas été véritablement établie. De soi, en effet, la gezerah shawah externe (Dt 27,26 et 21,23) prouve seulement que la Loi porte avec elle la menace de malédiction et que personne, y compris l’innocent, n’est à l’abri, mais elle ne montre pas qu’il faut sortir du système mosaïque pour obtenir la bénédiction, car le livre du Deutéronome lui-même dit que quiconque désire observer la Loi et l’observe obtient la bénédic- tion 35. Si donc les sujets de la Loi ne sont pas tous maudits, alors le Christ ne délivre de la malédiction que les autres. Si Paul n’avait pas montré entre temps l’impuissance de la Loi à justifier, ceux qui obéissent fidèlement à la Loi auraient pu répondre qu’ayant par la Loi l’assurance de la justification, ils n’ont pas besoin de celle en/par Jésus-Christ, réservée à ceux qui ne sont pas sous la Loi ou qui, étant sous la Loi, ne peuvent prétendre être justes à cause de leur agir négatif. Il fallait donc que soit montrés auparavant (i) l’incapacité radicale de la Loi à justifier et (ii) le rôle unique de la foi pour l’obtention de la justification — ces deux points le sont grâce à la gezerah shawah interne des v. 11-12. En bref, il existe bel et bien une logique de l’argumentation en Ga 3,6-14. Il n’y a donc pas à se désespérer de la trouver, car, par l’enchaînement des gezeroth shawoth, elle se donne progres- sivement à reconnaître. 3. La libération des sujets de la Loi et sa finalité universelle Au v. 13a, Paul déclare laconiquement: “Christ nous a rachetés 36 de la malédiction de la Loi”. Que Christ soit l’auteur de notre libération, Paul le dit de nombreuses fois et de multiples façons. Ce qui est en revanche original ici et ne se trouve pas Cf. Dt 28,1-14: Ps 1; Ps 119; Ps 128; etc. 35 Cet essai n’étant pas spécifiquement linguistique, le lecteur consultera les 36 commentaires, tous assez prolixes, sur le sens et l’usage paulinien du verbe ejagorazein, qu’on peut sans errer rendre ici par “libérer”. ß ¥