Innocent Himbaza, «Dt 32,8, une correction tardive des scribes. Essai d’interprétation et de datation», Vol. 83 (2002) 527-548
In an article written forty years ago, Dominique Barthélemy bound together two supposed scribal corrections introduced in the second Century BCE: the correction of the number of the Israelites who went down to Egypt (Gen 46,27; Exod 1,5), and the correction of the "Children of God" becoming "Children of Israel" in Deut 32:8. This article proposes to separate the two supposed corrections. Considering the historical evolution of the theological interpretations the author argues that the correction of Deut 32,8 was introduced in the first Century CE only, when the interpretation of the "Children of God" was limited to the human sphere.
d’interpréter les "fils de Dieu". L’interprétation ancienne voulait que ces derniers soient des "anges de Dieu". Les écrits les plus anciens interprètent l’expression dans ce sens. Il s’agit de la LXX, et d’autres livres comme Hen et les Jub qui datent de l’époque pré-chrétienne. Cette interprétation était encore valable jusqu’à la fin du premier siècle. Flavius Josèphe en est le témoin important.
La deuxième interprétation qui n’a pourtant pas attendu la fin du premier siècle pour être fortement soulignée est celle qui considérait que les fils de Dieu étaient au fond les fils des juges ou des grands. Cette deuxième interprétation visait à rejeter les accusations selon lesquelles le récit biblique contient des mythologies.
Nous avons remarqué qu’une interprétation intermédiaire, celle de Philon, expliquait les anges de Dieu comme les âmes dont certaines sont dans les corps humains, alors que d’autres volent dans l’air. Philon ne connaissait pas encore la conception qui identifie les fils de Dieu aux juges ou aux dignitaires.
L’observation de ces deux interprétations montre que dans un premier temps, on interprétait le premier terme de l’expression "fils de Dieu" (fils = anges), alors que dans un deuxième temps, on réhabilitait le premier et l’on interprétait le deuxième (Dieu = juges).
(2) Ce n’est pas le monothéisme qui était en jeu, mais les idées mythologiques. La question du monothéisme a pu être posée dans le cadre de la première interprétation, les fils de Dieu étant compris comme ses anges, et donc ses sujets. A ce niveau, Dt 32,8 n’avait pas encore besoin d’être corrigé comme il est dans le TM.
C’est à l’époque où l’on rejetait l’idée mythologique de l’union entre les êtres divins et humains qu’on a ramené la conception des "fils de Dieu" à la sphère humaine. C’est également à cette époque qu’on peut dater la correction de Dt 32,8. Ce tiqqûn aurait été introduit au premier siècle ap. JC. Le fait que le Pentateuque samaritain contienne la même leçon implique également une correction. Les milieux de ces deux sources étaient confrontés au même problème et ne s’ignoraient pas76.
(3) Seul Dt 32,8 devait être corrigé. L’interprétation qui identifie les fils de Dieu aux humains est limitée au Pentateuque. Les autres passages bibliques qui contiennent la même expression ne peuvent être interprétés dans le même sens.