David Pastorelli, «La Formule Johannique τα̃υτα λαλ́αληκα ὐμ̃ιν (Jn 14,25; 15,11; 16,1.4.6.25.33). Un Exemple de Parfait Transitif.», Vol. 19 (2006) 73-88
Contrary to the traditional definition, supporters of the theory of the
verbal aspect claim that the transitive perfect, like the intransitive perfect,
puts the stress on the state of the subject. From this perspective the present
article deals with the Johannine formula τα̃υτα λαλ́αληκα ὐμ̃ιν in order to
affirm that the emphasis of the expression is on the state of the subject of
λαλ́αληκα and not on that of the object τα̃υτα: the formula specifies above
all the condition of Jesus revealing of the divine.
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pour la plupart exclusivement mis l’accent sur la recherche du référent
de l’objet ταῦτα, sans jamais parvenir à un consensus. Somme toute, le
parfait λελάληκα est rarement pris en compte. Citons le commentaire
de M.-A. Chevallier: “on notera [...] la nuance du parfait lelalèka; ce
passé reste présent†ou encore de L. Morris: “le parfait λελάληκα peut
indiquer la permanence des paroles prononcéesâ€37. De ces énoncés peu
explicites il faut comprendre que Jésus a dit des paroles dans le passé et
que ces paroles demeurent au présent. Toutefois, cette approche ne fait
pas justice à la visée johannique qui inscrit le processus verbal dans le
présent du discours, et la définition du parfait, qui défend à tout prix
l’état de l’objet, atteint ici ses limites. La formule ταῦτα λελάληκα ὑμῖν
met en relief Jésus, sujet du verbe, et déploie sa portée sémantique Ã
l’aide d’une syntaxe adaptée: elle introduit une proposition subordonnée
de but (15,11; 16,1.4.33), s’inscrit dans une proposition subordonnée de
cause (16,6); elle est suivie d’une proposition participiale (14,25) ou est
encore modifiée par un complément de manière (16,25). Examinons ces
différents emplois.
3.1. La formule suivie d’une proposition subordonnée de but (15,11;
16,1.4.33)
À quatre reprises la formule est suivie d’une proposition subordonnée
de but introduite par ἵνα:
— 15,11: ταῦτα λελάληκα ὑμῖν ἵνα ἡ χαÏá½° ἡ á¼Î¼á½´ á¼Î½ ὑμῖν á¾– καὶ ἡ χαÏá½°
ὑμῶν πληÏωθῇ, “Je vous dis ces choses pour que ma joie soit en vous et
que votre joie soit parfaiteâ€. La proposition subordonnée de but exprime
une intention du sujet: Jésus se présente dans sa position de révélateur
divin pour que ses disciples partagent sa joie. La formule introduit ainsi
une rupture entre la situation présente du discours et le temps post-pascal,
ce qui permet à Jésus de faire participer par anticipation les disciples à la
joie de l’œuvre accomplie38.
— 16,1: ταῦτα λελάληκα ὑμῖν ἵνα μὴ σκανδαλισθῆτε, “Je vous dis
ces choses afin que vous ne soyez pas scandalisésâ€. Le but poursuivi par
Jésus, à savoir que les disciples ne soient pas scandalisés, s’inscrit dans le
temps futur des persécutions explicité au verset suivant: “On vous exclura
M.-A. Chevallier, “Spécification des fonctions postpascales du souffle: défenseur et
37
souffle de la véritéâ€, dans Id., Souffle de Dieu. Le Saint-Esprit dans le Nouveau Testament.
Vol. II: L’apôtre Paul-Les écrits johanniques. L’héritage paulinien-Réflexions finales (Paris
1990) 482, et Morris, John, 656 n. 67. Voir encore Lagrange, Jean, 391: “c’est cette doctrine
qu’il a exprimée (λελάληκα) jusqu’à présentâ€.
Cf. B. Lindars, The Gospel of John (Londres 1972) 490. Selon Lagrange, Jean, 406,
38
ταῦτα se réfère à 15, 9-10, mais Schnackenburg, John, III, 103-04, préfère ne pas limiter la
référence à ces seuls versets.