Christian-B. Amphoux, «Le Canon du Nouveau Testament avant le IVe Siècle», Vol. 21 (2008) 9-26
The recent debate on the date of the Muratori Canon has allowed it to be established that this was the first known list of Christian writings. But from the text called 'western', a stage is reached that is prior to the forming of the New Testament, whose history ranges from Clement in Rome, before the year 100, to Polycarpus, at the end of his life, around year 160, by way of Ignatius of Antioch, Marcion and Justine. The canon for the books of the New Testament is almost completely established towards the year 160, as a result of the dual tradition that comes at the same time from Antioch and Ephesus, written within the Jewish-Hellenistic culture, which will soon be abandoned in favour of the Greek-Roman culture.
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L’origine de la règle de proportion
La double proportion, formée de la proportion du simple au double et
de la relation d’égalité, existe dans une spéculation pythagoricienne utili-
sée par la philosophie grecque. Ces deux proportions réunies constituent,
en effet, la structure de l’octave; et l’octave est le modèle du lien nécessaire
entre deux choses dissemblables, pour qu’elles puissent former une même
entité, selon le pythagoricien Philolaos de Crotone (fragment VI), maître
de Platon; enfin, au début du Timée, Platon applique cette structure Ã
l’âme du monde, créée par Dieu comme lien entre les deux mondes dis-
semblables, le sien (spirituel) et celui des hommes (matériel). A défaut de
ce lien, nous n’aurions aucun accès à la connaissance de Dieu17.
Entre les deux notes extrêmes de l’octave, il existe un rapport numéri-
que stable découvert par Pythagore, qui est de 2; entre les notes extrêmes
de la quarte, le rapport est de 4/3, et pour la quinte, il est de 3/2. Autre-
ment dit, la quarte divise l’octave selon la proportion du simple au double,
et la quinte, selon la relation d’égalité. Cette propriété a servi à l’école
pythagoricienne à établir la fréquence de chaque note de la gamme, qui
est encore la base de la nôtre. Or, cette double proportion est appliquée
au lien qui unit le ciel et la terre, le monde de Dieu et celui de l’homme:
appliquée à un livre ou à un ensemble de livres, elle lui confère une fonc-
tion de lien entre Dieu et les hommes, autrement dit un statut d’écriture
sacrée.
Déjà , dans l’Ancien Testament, cette structure existe à plusieurs ni-
veaux, dans l’agencement des livres. (1) La Torah ou Pentateuque et le
corpus des livres historiques, on dit aussi les Prophètes antérieurs ou en-
core l’histoire deutéronomiste, forment ensemble cette double proportion:
(a) la Torah est clairement construite autour de son livre central, selon
la relation d’égalité; (b) les livres historiques racontent l’histoire d’Israël,
de l’entrée dans la Terre promise (Josué) à la prise de Jérusalem par Na-
buchodonosor (2 Rois), en formant une proportion du simple au double,
avec deux livres simples (Josué, Juges) puis deux doubles (1-2 Samuel, 1-2
Rois), Ã la jonction desquels se trouve, dans la tradition grecque, le livret
de Ruth, figurant à la fin du recueil biblique, dans le canon pharisien:
Genèse – Exode – Lévitique – Nombres – Deutéronome
Josué – Juges – Ruth – 1-2 Samuel – 1-2 Rois
Voir C.-B. AMPHOUX, «L’âme du monde du Timée de Platon, une composante de la
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rhétorique biblique», Mél. D. Pralon (Aix-en-Provence, à paraître fin 2009). Je donne dans
cet article les références et les textes nécessaires.