Jean-Noël Aletti, «L’argumentation de Ga 3,10-14, une fois encore. Difficultés et propositions.», Vol. 92 (2011) 182-203
More technical than in the past, the interpretation of Ga 3,10-14 tries to pay attention to the enthymemes and to find the syllogisms which would support Paul’s reflection. This article shows that it is much better and surer to have a very close look at the gezeroth shawoth.
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L’ARGUMENTATION GA 3,10-14,
DE UNE FOIS ENCORE
Le participe parfait passif kekathramenov est devenu un
Â¥
adjectif verbal, epikataratov, et le mot ueov est omis: son
ß ¥ ¥
absence vient de ce que Paul a voulu manifestement éviter de dire
que Dieu avait maudit Jésus, son Fils. Et comme le participe
passif aurait pu lui aussi être interprété comme un passif théolo-
gique, il a été remplacé par l’adjectif, qui fait pendant au même
adjectif du v. 10b et forme avec lui une gezerah shawah sur
laquelle nous allons revenir. Notons auparavant que epikataratov
ß ¥
indique comment comprendre le substantif katara du v. 13a. Car
Â¥
cet énoncé est amphibologique: qu’entendre par “[Christ est]
devenu pour nous malédiction� Le mot katara peut désigner
Â¥
l’action de maudire elle-même, ou sa cause ou encore son
résultat 29. Paul ne veut certainement pas dire que Jésus est cause
de malédiction — le verset suivant dit le contraire, à savoir que
par lui nous est venue la bénédiction —; il ne peut en être que
l’objet ou le destinataire, et si Paul utilise le substantif, c’est pour
indiquer que toutes les malédictions, en nombre et en force, sont
en quelque sorte tombées sur lui 30. L’apôtre aurait très bien pu
dire que seul le Christ pouvait libérer l’humanité de la malédic-
tion, sans avoir à ajouter qu’il était devenu malédiction et sans
citer Dt 21,23, car il ne pouvait être maudit de Dieu, lui l’Innocent
par excellence. Par qui fut-il donc maudit? Par la Loi, comme le
déclare le v. 13a 31. Pourquoi donc Paul a-t-il cru bon de rappeler,
avec une exagération qu’on retrouve ailleurs chez lui, qu’étant
mort pendu au bois, Jésus devint malédiction? On rencontre en
effet le même type d’exagération et de tournure métonymique en 2
Co 5,21: “celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu le fit péché
pour nous ...†32 Un bref coup d’œil sur la gezerah shawah par
laquelle Dt 27,26 et 21,23 ont été rapprochés va permettre de
répondre à plusieurs questions laissées en suspens.
La tournure est métonymique.
29
Attribuer un substantif d’action revient à hypostasier le trait, du côté de
30
la cause (“cet homme est la bonté mêmeâ€) ou de l’effet (en Italie, appeler quel-
qu’un “Amore!â€).
Sauf erreur, l’expression “malédiction de la Loi†ou son équivalent n’a
31
pas d’autre occurrence biblique et juive intertestamentaire (Qumran, etc.).
Sur ce passage et sa force théologique, cf. J.N. ALETTI, “God made
32
Christ to be Sin (2 Corinthians 5:21): Reflections on a Pauline Paradoxâ€, The
R e d e m p t i o n . An Interdisciplinary Symposium on Christ as Redeemer,
S.T. DAVIS – D. KENDALL – G. O’COLLINS (eds.) (Oxford 2004) 101-120.