Jean-Noël Aletti, «L’argumentation de Ga 3,10-14, une fois encore. Difficultés et propositions.», Vol. 92 (2011) 182-203
More technical than in the past, the interpretation of Ga 3,10-14 tries to pay attention to the enthymemes and to find the syllogisms which would support Paul’s reflection. This article shows that it is much better and surer to have a very close look at the gezeroth shawoth.
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2. La gezerah shawah des v. 10b et 13b
Paul a-t-il eu raison de rapprocher Dt 27,26 et 21,23? À dire
vrai, il ne s’agit pas d’une gezerah shawah au sens strict, dans la
mesure où les deux versets n’ont pas le mot commun epikata- ß ¥
ratov : nous l’avons vu plus haut, si l’adjectif se trouve bien en Dt
27,26 ; Dt 21,23 utilise par contre un participe parfait passif. Cela
dit, la racine est la même, puisque l’un et l’autre viennent vu
même verbe epikataraomai. La difficulté vient d’ailleurs. Pour
ß ¥
être valide en effet une gezerah shawah ne peut rapprocher que des
versets ayant un contexte et une orientation semblables, ce qui est
le cas de Dt 27,26 et 21,23, où n’est déclaré maudit que celui mort
en croix pour faute gravissime: dans l’hébreu et le grec, la malé-
diction prononcée au v. 23 est rattachée à une infraction ayant
effectivement mérité la mort. Or, en appliquant le verset au Christ,
qui n’a commis aucune faute, a fortiori une faute ayant mérité la
mort en croix, Paul semble donner raison à ceux qui accusèrent
Jésus de blasphème et de rebellion 33 — l’argument serait alors
doublement contre-productif. De plus, en ne respectant apparem-
ment pas le contexte et la motivation de Dt 21,23, il semble vider
la gezerah shawah de sa raison d’être ... L’argument de Paul est
en réalité plus probant qu’il n’y paraît. Car si Jésus a pu être
déclaré maudit par la Loi, parce que mort en croix, cela veut dire
que cette dernière est incapable de sauver l’innocent de la malédic-
tion. Qu’un innocent soit pendu et meure en croix comme un blas-
phémateur et un rebelle indique bien que la Loi peut être utilisée
contre sa finalité qui est de protéger l’innocent et de condamner le
coupable. Le paradoxe est porté à son extrême lorsque celui qui est
mis en croix et déclaré maudit au nom de la Loi est celui-là même
par qui nous vient la bénédiction. Personne n’est donc à l’abri de
la malédiction de la Loi, même pas l’innocent! Que d’autre part la
Loi ait été utilisée pour faire condamner l’innocent par excellence
signifie qu’elle a manifesté sa faiblesse radicale.
On pourrait encore objecter que nonobstant les plus dures puni-
tions, Israël n’a jamais été maudit par Dieu, à cause des promesses,
mais aussi à cause des procédures de conversion prévues par la Loi
elle-même : cérémonies pénitentielles, jeûnes, sacrifices pour le
Pour le blasphème, voir Mt 26,65; Mc 14,64 ; et la rébellion, Lc 23,5.
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