Jean-Noël Aletti, «La soumission des chrétiens aux autorités en Rm 13,1-7. Validité des arguments pauliniens?», Vol. 89 (2008) 457-476
Rm 13,1-7 has been interpreted in many different ways, often incompatible. This article is an attempt to show that this passage cannot be understood without its immediate context and also that its aim is neither to work out a political doctrine,
nor to ground the legitimacy of political power; nor does Paul push Christians to influence political life, but he urges them to overcome a possible attitude of fear and implicitly to extend their agape to all human beings. In doing so he innovates.
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logique, rappelons-le, se trouve en 1bc: “car il n’est pas d’autorité
sinon par Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu†(49).
L’énoncé du v. 1b (ouj [ga;r] e[stin ejxousiva eij mh; uJpo; qeou') a la forme
d’un principe, car c’est un topos bien connu et admis à l’époque, chez
les juifs (50), les Romains (51), le NT (52) et les premiers Pères (53). Son
admission par tous, en particulier par les Écritures, en fait évidemment
un argument incontestable dont l’énonciation se suffit à elle-même.
Certes, Paul ne cite ni les Écritures ni les auteurs faisant autorité dans le
monde d’alors, mais il n’a pas besoin de le faire, puisqu’il s’agit d’un
principe admis par tous. En reconnaissant la légitimité divine des
autorités politiques, l’apôtre ne se conforme donc pas seulement aux
convictions d’une époque, il peut aussi implicitement se prévaloir de la
parole divine consignée dans les Écritures, auctoritas pas excellence:
si Dieu l’a voulu ainsi, il n’y a pas à discuter (54)! Ajoutons que le
principe énoncé ne consiste pas à tenir pour justes et droites toutes les
décisions des pouvoirs politiques: une autorité peut être légitime et
néanmoins mal utiliser le pouvoir que lui confère son statut.
Mais ce principe autrefois universellement admis ne l’est plus
aujourd’hui, parce que la perspective s’est complètement inversée: les
pouvoirs légitimes sont désormais ceux qui ont été élus ou désignés par
le peuple et qui sont reconnus par le droit international. La légitimation
divine est hors scène, et personne ne se risque à dire que les despotes
sanguinaires tiennent de Dieu leur pouvoir. Cela ne signifie pas que le
(49) Selon K.W. PENG, Hate the Evil, Hold Fast to the Good. Structuring
Romans 12.1–15.13 (London – New York 2006) 87-88, les vv. 1bc-2 formeraient
un épichérème. Le “theological ground†au v.1bc (major premise v. 1b; minor
premise v. 1c) et la conclusion au v. 2. L’épichérème est un syllogisme dans lequel
la preuve d’une (ou de chacune) des prémisses se trouve dans la ou les prémisses
elles-mêmes, et la conclusion déduite ou dérivée normalement.
(50) Cf. 1 En 46,5; Si 17,17; Sg 6,1-3; lettre d’Aristée 219-224; 2 Bar 82,9;
Philon, De somniis 78-92; Flavius Josèphe, Bellum 2.140.351. Le principe est déjÃ
énoncé dans les Écritures: Is 45,1; Jr 25,7-11; 27,5-6; Dn 2,21.37; 4,17.22 (= 4,25
LXX); 5,21; Pr 8,15-16.
(51) Sénèque, De clementia 1,2 qui cite la phrase de Néron: “N’ai-je pas été
choisi parmi tous les mortels pour servir sur la terre comme vicaire des dieux?â€
(“Egone ex omnibus mortalibus placui electusque sum, qui in terris deorum vice
fungerer?â€); Dion de Pruse, Orationes 1.45; Pline le Jeune, Panégérique de
Trajan 1.4-5.
(52) Outre Rm 13,1, voir Rm 9,17; Ac 25,8-11; Jn 19,11.
(53) 1 Clem 60,4–61,3; Martyre de Polycarpe 10.2.
(54) Rhétoriquement, l’argument de Rm 13,1bc est ex auctoritate. Que la
légitimation des autorités politiques s’appuie sur un tel argument n’est
évidemment pas fortuit.