Pierre-Yves Brandt - Alessandra Lukinovich, «L’adresse à Jésus dans les évangiles synoptiques», Vol. 82 (2001) 17-50
A number of persons in the Gospels address Jesus by a title, e.g., ‘teacher’, ‘sir’, ‘master’, when they speak to him. In parallel episodes in the synoptic Gospels these titles undergo variations. This article present a complete comparative study of the titles addressed to Jesus in Mathew, Mark and Luke and finishes with a description of the titles proper to each Gospel.
L’adresse ku/rie n’apparaît pas dans les épisodes appartenant à la tradition simple de Matthieu. En revanche, elle apparaît six fois dans la tradition simple de Luc. On la trouve toujours dans la bouche de disciples ou de personnes proches de Jésus. Quatre épisodes l’illustrent de manière évidente: Mauvais accueil en Samarie: Jacques et Jean (9,54); Le retour des soixante-douze: les soixante-douze (10,17); Marthe et Marie: Marthe (10,40); Les deux épées: les disciples (22,38). En plus, dans La pêche miraculeuse de Simon, ce n’est qu’après l’expérience du miracle de la pêche que Simon se jette aux pieds de Jésus en lui disant ku/rie. Auparavant, il s’était adressé à lui en lui disant e)pista/ta. De même, Zachée ne dit ku/rie à Jésus qu’après l’avoir accueilli chez lui.
En résumé, l’adresse ku/rie a chez les trois évangélistes une connotation positive. Elle n’apparaît qu’une fois chez Marc, dans la rencontre entre Jésus et la Syrophénicienne. Autrement dit, le poids accordé à cette appellation chez Marc est très fort. Comme nous le verrons, l’usage d’un hapax est la manière marcienne de faire ressortir la connotation positive associée à une adresse. Il faut probablement lire ici l’équivalent d’une confession de foi: seule une étrangère dit à Jésus "Seigneur"28. Matthieu réserve exclusivement cette adresse à ceux qui croient, donc en particulier aux disciples, à l’exclusion de Judas. Lorsqu’il ajoute ku/rie de sa propre initiative, c’est souvent dans la bouche de Pierre29. Autrement dit, il souligne par ce moyen le statut exceptionnel de ce disciple parmi les proches de Jésus. Notons encore que Matthieu réitère cette adresse dans quelques épisodes: Le centurion de Capharnaüm, Jésus marche sur les eaux, La Cananéenne (Syrophénicienne), La guérison des aveugles (Bartimée). C’est probablement une manière de souligner le rôle particulier de ces épisodes comme modèles de l’expression de la foi, selon ce qu’indique d’emblée la rencontre entre Jésus et le centurion romain. Ce n’est donc certainement pas un hasard si Matthieu utilise justement ce procédé dans les deux épisodes où Marc utilise un hapax (ku/rie dit par la Syrophénicienne30 et r(abbouni/ dit par Bartimée). En appliquant ce