Pierre-Yves Brandt - Alessandra Lukinovich, «L’adresse à Jésus dans les évangiles synoptiques», Vol. 82 (2001) 17-50
A number of persons in the Gospels address Jesus by a title, e.g., ‘teacher’, ‘sir’, ‘master’, when they speak to him. In parallel episodes in the synoptic Gospels these titles undergo variations. This article present a complete comparative study of the titles addressed to Jesus in Mathew, Mark and Luke and finishes with a description of the titles proper to each Gospel.
reconnaît en Jésus plus qu’un dida/skaloj, donc que sa compréhension de l’identité de Jésus, même insuffisante, est néanmoins supérieure à celle des autres disciples?
En fait, lorsque le lecteur parvient à l’épisode de L’arrestation de Jésus, bien après les deux occurrences de r(abbi/ dans la bouche de Pierre, il découvre que cette adresse est aussi celle qu’utilise Judas au moment même de livrer Jésus par un baiser. Le lecteur comprend alors que, dans la logique de narration de l’évangéliste, cette adresse est clairement disqualifiée67.
Au contraire de Pierre, la Syrophénicienne dit ku/rie et Bartimée r(abbouni/, alors que le miracle n’a pas encore eu lieu. Le fait de reconnaître a priori en Jésus plus qu’un enseignant est un signe positif, et même un signe de foi. On en a la confirmation par le fait que Jésus réagit positivement à la dernière intervention de la Syrophénicienne en affirmant qu’il y a un lien entre la libération de sa fille et la parole qu’elle vient de prononcer; de même, il répond à Bartimée: "Ta foi t’a sauvé". En revanche, les interventions de Pierre introduites par r(abbi/ sont sanctionnées. Dans le récit de la Transfiguration, le silence de Jésus en réponse à la proposition est une sanction indirecte; l’évangéliste Marc commente en disant que Pierre ne savait pas quoi dire: son intervention exprime l’égarement dû à la peur (9,6). Dans le récit du figuier desséché, la réponse de Jésus est aussi une sanction indirecte (11,22-25). Celle-ci se manifeste par le fait que Jésus exhorte à avoir la foi, ce qui sous-entend que l’intervention de Pierre était plus une marque d’étonnement qu’une expression de foi.
Qu’en est-il maintenant de l’adresse dida/skale dans la bouche des disciples, lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux réactions de Jésus? Il apparaît qu’elles manifestent une réprobation plus ou moins explicite. Dans La tempête apaisée, Jésus reproche aux disciples de ne pas encore avoir la foi (4,38); dans Qui n’est pas contre nous est pour nous, Jésus répond en sens inverse de la demande de Jean, il le corrige; dans La demande des fils de Zébédée, Jésus répond qu’il ne savent pas ce qu’ils demandent (9,38); enfin, dans La ruine du Temple, Jésus corrige le disciple qui admire le Temple (13,2). Autrement dit, chaque fois que les disciples disent dida/skale, leur intervention est suivie par une réaction de Jésus qui refuse d’entrer dans leurs vues et qui fait comprendre l’inadéquation ou l’ignorance attachée à leurs