Pierre-Yves Brandt - Alessandra Lukinovich, «L’adresse à Jésus dans les évangiles synoptiques», Vol. 82 (2001) 17-50
A number of persons in the Gospels address Jesus by a title, e.g., ‘teacher’, ‘sir’, ‘master’, when they speak to him. In parallel episodes in the synoptic Gospels these titles undergo variations. This article present a complete comparative study of the titles addressed to Jesus in Mathew, Mark and Luke and finishes with a description of the titles proper to each Gospel.
si l’évangéliste utilise l’adresse sans lui attribuer une fonction de marqueur. Il n’est probablement pas possible de donner une réponse définitive à cette question. Cependant, trois faisceaux d’observations invitent à penser que cette manière de ne pas distinguer l’adresse utilisée par les disciples de celle utilisée par les opposants a une fonction polémique chez Marc.
Premièrement, Marc, quand il le veut, est tout à fait capable de distinguer: c’est ainsi qu’il distingue de façon particulière certains personnages de son récit au moyen des adresses r(abbi/, ku/rie, r(abbouni/. La question est alors de savoir quelle est la connotation attachée par Marc à ces adresses par rapport à dida/skale.
Pour trancher cette question, il est utile de faire intervenir un deuxième faisceau d’observations; ce sont celles qui peuvent être tirées du contexte qui accompagne ces différentes adresses, en particulier des réactions de Jésus. Prenons le cas de r(abbi/. Les deux usages qu’en fait Pierre sont associés à des événements prodigieux: le changement d’apparence de Jésus et le dessèchement du figuier. Pourquoi Marc évite-t-il dans ces deux cas dida/skale et pourquoi tient-il néanmoins à faire figurer une adresse? L’usage d’une adresse autre que dida/skale pourrait s’expliquer par le fait que celle-ci est prononcée dans les deux cas en réaction à l’événement65. Ce qui vient de se passer empêche Pierre de s’en tenir à une simple relation maître-disciple. Marc (ou la tradition qu’il reprend) aurait cependant pu se passer de placer une adresse dans la bouche de Pierre. Si Marc choisit de faire dire r(abbi/ à Pierre, c’est probablement pour souligner le fait que Pierre reconnaît dans ces événements la parenté de Jésus avec les prophètes de l’Ancien Testament, tout particulièrement avec Moïse: leur présence est accompagnée de signes qui modifient le cours de la nature. L’utilisation du titre r(abbi/ a l’avantage de contenir les deux aspects d’enseignant et de thaumaturge66, contrairement à sa traduction en grec par dida/skaloj. S’agit-il alors pour Marc de faire entendre que Pierre