Jean-Noël Aletti, «Analyse narrative de Mc 7,24-30. Difficultés et propositions.», Vol. 93 (2012) 357-376
The thesis developed in the article is that Mark 7,24-8,10 cannot be interpreted without the previous dispute about clean and unclean in 7,1- 23 that gives meaning to it and prepares Jesus’ journey to the nearby pagan land. For the same reason, it seemed impossible to interpret Mark 7,24-30 as a radical change in Jesus’ missionary project. In this episode, the Syrophoenician does not extort a miracle from Jesus. It is rather he who puts her to the test, expecting from her a response that may give him the opportunity to manifest God’s power in favor of the Gentiles and be proclaimed as the one through whom God’s salvation comes.
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petits chiens, que les petits chiens, bien qu’étant des animaux domes-
tiques, ne faisaient pas partie de la famille et n’avaient aucun droit,
sinon celui de se nourrir des restes. Elle répond en utilisant la même
métaphore, mais en la modifiant “temporellementâ€. Jésus lui avait
dit grosso modo ceci: “Vous, les chiots, attendez la fin du repas, que
les enfants soient repusâ€; elle répond: “mais, les chiots n’attendent
pas, ils prennent tout ce qui tombe de la table tout au long du repas,
et personne dans la famille les en empêche 45. Bref, loin de paralyser
la Syrophénicienne, la métaphore utilisée par Jésus lui a permis de
répondre qu’un secours “immédiat†ne lèserait en rien les israélites.
Pourquoi remettre à “plus tardâ€, si cela est possible “maintenantâ€?
La question à laquelle l’analyse narrative doit alors répondre est
la suivante: la Syrophénicienne a-t-elle aidé Jésus à envisager une
solution à laquelle il ne pensait pas? Lui a-t-elle permis d’ouvrir
l’horizon de son messianisme? Ou bien Jésus voulait-il seulement
la mettre à l’épreuve et sonder la force de son désir, lui permettant
de dire qu’elle voulait absolument le salut de sa petite fille? Une
réponse narrative doit revenir au début du macro-récit et voir com-
ment Marc a jusque-là construit le personnage Jésus.
5. Jésus et ceux qui le cherchent ou l’invoquent
Ce n’est pas la première fois, en Mc 7,24-30, que Jésus met Ã
l’épreuve ceux qui viennent à lui pour être guéris. Chez les siens, en
Galilée, de façon répétée, il fuit les foules qui doivent faire de longs
trajets à pied pour le rejoindre, dès qu’elles savent où il s’est rendu 46.
Trop connu dans les villes et les villages, il s’en va dans les lieux dé-
serts, où l’on finit par le retrouver. Les disciples doivent eux aussi le
chercher et ne comprennent pas pourquoi il fait parcourir la région en
tous sens à ces gens qui ont tellement besoin de soulagement. Il y a
du reproche dans l’observation qu’ils lui adressent: “Tout le monde
te cherche!†(Mc 1,37) Le comportement de Jésus n’oblige pas seu-
lement à être patients ceux qui s’en remettent à lui, il permet de sou-
45
Ce qu’a bien vu BAUDOZ, Les miettes, 300: “[Α]u schéma temporel pro-
posé par Jésus (Ï„á½° τέκνα … Ï€Ïῶτον), elle oppose un double schéma: celui de
la simultanéité et celui de la spatialité; non plus les uns d’abord et les autres
ensuite, mais les uns et les autres en même temps, les uns étant à table et les
autres étant sous la tableâ€.
46
Cf. Mc 1,35-38; 1,45; 3,7; 6,32-34; 6,54-55.