Wim Hendriks, «Lectio e Qua Caeterarum Ortus facillime explicetur», Vol. 22 (2009) 3-40
More than once a great number of different readings of the same text can be found. If one wants to find the authentic text, one should look according to Griesbach for the reading 'e qua caeterarum ortus facillime ex plicetur', the reading that easily explains the rise of the others. However, textual criticism involves more than simply determ ining the original text. It also entails seeing how that text came to be modified over time. In addition, one may think of the efforts of Amphoux who distinguishes several 'editions' of the gospels before the text of the great uncials of the fourth century. In this study I will expose my method and illustrate my way of handling textual variants by five texts from the first chapter of the gospel of Mark. The Bezan Codex D.05 is evidently an important witness for this gospel.
Lectio e Qua Caeterarum Ortus facillime explicetur 7
tiennent plus d’une fois fortement ensemble. Voir par exemple Mc 5,21, où
toute la variation du verset est en cause: c’est l’addition de και ην devant
παρα την θαλασσαν qui a dégagé la voie à toutes les autres changements
dans Mc 5,2118. Mc 6,3 avec ο τεκτων ο υιοσ μαριασ και ο αδελφοσ
ιακωβου en est un autre exemple (voir plus bas).
On constate chez les copistes une tendance à corriger ce qui est ardu,
ou du moins inusité. Il est donc naturel de leur attribuer les variantes qui
offrent un texte plus coulant ou plus correct (et souvent hypercorrect)19.
Voici un mot de Jérôme sur les copistes: qui scribunt non quod inveniunt
sed quod intelligunt, qui n’écrivent pas ce qu’ils rencontrent mais ce qu’ils
comprennent20. Pour cette raison Johann Albrecht Bengel a formulé (déjà
en 1725) son canon unicus verae lectionis ab omni alia dignoscendae,
sa règle unique à distinguer la leçon vraie de toute autre leçon21. Bengel
jugea le temps pas encore mature à publier ce ‘canon en quatre mots’22. Il
n’était qu’en 1734 qu’il le divulgua: proclivi scriptioni praestat ardua, une
leçon ardue surpasse une leçon coulante23. Ici le mot latin arduus s’oppose
à proclivis comme se levant en haut à se déclinant en bas, ardu à coulant,
vivant à monotone, robuste à banal.24 J’interprète cet adagium en ce sens:
une leçon plus dynamique précède une leçon plus statique25.
Quand un copiste change quelque chose dans le texte qu’il copie, il
laisse involontairement ses vestiges. Par conséquent, le texte a été mar-
qué, peut-être, par une inexactitude grammaticale ou sémantique. C’est
pourquoi j’ajoute une règle nouvelle: naturalis dictio praeferenda dictioni
artificiali, une diction naturelle est préférable à une diction apprêtée, c’est-
à-dire une leçon grammaticalement juste et sémantiquement plus sensée,
18
Pour l’histoire de Mc 5,21 voir Wim Hendriks, Leçons pré-alexandrines, 235-237.
19
Un bon exemple de hypercorrection se trouve dans Jn 20,31: οτι ιησουσ χριστοσ υιοσ
εστιν του θεου dans P66vid et D.05 devient finalement οτι ο ιησουσ εστιν ο χριστοσ ο υιοσ
του θεου dans le Texte Reçu (ο ιησουσ ne se rencontre qu’après l’an 1000).
20
Voir Jérôme, Epîtres 71,5, CSEL 55, 5-6. Il poursuit: et dum alienos errores emen-
dare nituntur ostendunt suos, et alors qu’ils s’efforcent de corriger les erreurs d’autrui, ils
manifestent les leurs.
21
Joannes Albertus Bengelius, ‘Prodromus Novi Testamenti Graeci recte cauteque ador-
nandi’. Cet exposé ouvre son édition de Johannis Chrysostomi de Sacerdotio libri sex graece
et latine (Stuttgardiae 1725, i-xxvi), xii. Prodomus n’est pas un appendix!
22
Voir Bengel, Prodomus, xii: «Atque hic canon jam fixus et quatuor verbis comprehen-
sus est; sed proferre nondum maturum, quia sine justa declaratione minus fidei inveniat».
23
Joannes Albertus Bengelius, Novum Testamentum Graecum (Tubingae 1734), 433.
24
Pour Bengel, Novum Testamentum, 433, proclivité et facilité et pronité sont des sy-
nonymes: «proclivitatis, facilitatis, pronitatis vocabulum, in expungendis falsis lectionibus»,
etc.
25
Parce que le canon de Bengel est à appliquer à toutes les leçons d’un lieu variant, il
faut comprendre la phrase latine proclivi scriptioni praestat ardua comme ‘une leçon plus
ardue est à préférer à une leçon plus coulante’.