Jean-Noël Aletti, «Galates 1–2. Quelle fonction et quelle démonstration?», Vol. 86 (2005) 305-323
This article is an attempt to show the following: (1) Galatians 1,11–2,21 is a
unified argument in which vv. 11-12 constitute the propositio; (2) Gal 2,14b-21
represent a short speech bringing the argument to its climax, and (3) Gal 2,16
takes up the Jerusalem agreement about Paul’s Gospel and not only fulfills a
rhetorical function within the short speech of v. 14b-21 but also provides the
thesis of the argument that unfolds in Galatians 3–4.
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les faits sont présentés pour souligner que rien ne fut imposé à Paul: il
se rendit à Jérusalem bien après l’événement de Damas (42), sans
contrainte aucune de la part des autorités locales, mais sous l’effet
d’une inspiration divine; aucun changement ou ajout à son Évangile ne
lui fut demandé (2,6); il n’y eut donc aucun ‘marchandage’, aucune
compromission, en particulier avec ceux qu’il appelle les faux frères
(2,5). Il indique même que les colonnes, comme il les appelle,
donnèrent à son ministère la même importance qu’à celui de Pierre (43).
Il insiste surtout sur le fait que Tite ne dut pas se faire circoncire. Cette
information permet raisonnablement de conclure que Paul lui-même
n’avait pas imposé la circoncision aux non juifs demandant Ã
appartenir au groupe des disciples de Jésus Christ. Ainsi, pour la
première fois, l’apôtre donne indirectement quelques indications sur le
contenu de son Évangile, qui est fait pour un auditoire de non juifs, et
n’inclut pas la circoncision.
De ces versets, on peut encore inférer que l’Évangile a mis Paul du
côté des ethnico-chrétiens (44), car pour pouvoir fréquenter des non
circoncis, vivre et manger avec eux, il dut au moins abandonner les
règles de la Loi relatives à la pureté alimentaire et à la séparation,
relativisation qu’il ne considère pas comme une déchéance, bien plutôt
une vraie liberté (45). Indirectement donc, Ga 2,4 indique l’effet que
l’Évangile a eu sur le rapport de Paul à la Loi, et complète les preuves
fournies en Ga 1,13-14: si cet homme qui était on ne peut plus fidèle
et intransigeant avec les coutumes ancestrales et les règles de la Loi en
est venu à les relativiser, c’est que cela ne vient pas de sa propre
initiative, mais de celle de Dieu. On voit ainsi comment ces allusions
aux changements qu’a provoqués l’Évangile dans le comportement de
Paul préparent l’épisode suivant, où Pierre aura une position beaucoup
plus fluente: la synkrisis entre un Paul vivant avec les ethnico-
chrétiens par obéissance aux implications de son Évangile, et un Pierre
changeant d’attitude au gré des circonstances, cette synkrisis est
(42) Exégètes et commentateurs sont divisés sur le nombre d’années séparant
l’événement du chemin de Damas de la visite officielle signalée en Ga 2,1-10. La
technique rhétorique utilisée ici — à savoir l’insistance sur la distance dans
l’espace et le temps — invite à fortement à choisir la période la plus longue, dix
sept ans.
(43) Ga 2,7-8. La technique utilisée est bien celle de la suvgkrisi", comme la
nomment Hester et Buscemi. Elle va continuer jusqu’au v. 14. Voir supra, n. 15.
(44) Comme l’indiquent, au v. 4, les pronoms personnels et le verbe à la
première personne du pluriel: hJmw'n, hJma'", ejcomen.
(45) Cf. le substantif ejleuqeriva en Ga 2,4.