Sophie Ramond, «La voix discordante du troisième livre du Psautier (Psaumes 74, 80, 89)», Vol. 96 (2015) 39-66
In the neo-Babylonian period, ideologically antagonistic literary circles propose various conceptions of the relationship between God and his people. The aim of this article is to examine which of the Psalms of collective laments in Book III could be classified as dissident texts, refuting the mainstream opinion that justifies the actions of God and thus places the blame on the people for the situation of devastation and exile. More specifically, Psalms 74, 80 and 89 are analysed to find out whether they present a theological strand different from the dominant deuteronomistic line of thinking.
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89,22 (“solide, ma main sera près de lui et mon bras le rendra
fort”), comme y invite le vocabulaire commun, et d’opter en Ps
80,16 pour un impératif emphatique de !wk, le verbe étant présent
dans le Psaume 89. A. Rofé en déduit qu’il faut corriger le verbe
suivant #ma, “rendre fort”, en un impératif. Au prix de quelques
autres corrections il tente de rétablir ce qu’il pense être le texte
original 38. Mais les manipulations sont trop nombreuses pour que
la reconstruction de Ps 80,15-20, que paraphraserait Ps 89,22, soit
convaincante.
Quoi qu’il en soit, les correspondances de vocabulaire entre les
Psaumes 80 et 89 invitent à penser que l’un cite l’autre et/ou que
ces psaumes ont été réélaborés en fonction l’un de l’autre. De ce
point de vue il est clair que les vv. 15-16 du Psaume 80 rompent le
parallélisme des distiques, parallélisme qui pourrait être rétabli par
l’association des v. 15c et 16a et le retranchement du v. 16b. La ré-
vision introduite au v. 16b suggère une application à la vigne, c’est-
à-dire au peuple, des titres “fils” ou “fils d’homme que tu as rendu
fort pour toi” (vv. 16.18), “homme de ta droite” (v. 18), d’autant
que le v. 17 dépeint la vigne “brûlée par le feu, coupée” (ou
“comme des ordures”). Le v. 17b, qui hors de son contexte littéraire
résonne comme une imprécation contre les ennemis d’Israël
(“qu’ils périssent à la menace de ton visage”), renvoie plus proba-
blement à Israël que représente la vigne incendiée et coupée 39. Is-
raël périt devant la face menaçante de Dieu, l’ensemble du verset
renvoyant à l’expérience de l’exil.
Toutefois, il n’est pas totalement exclu que le v. 18 du Psaume
80 et, par contamination, le v. 16 renvoient à une figure royale.
C’est alors à une restauration de la lignée davidique que le psaume
en appellerait. Cependant, il n’est pas nécessaire de supposer, à
l’instar de E. Zenger, que le v. 18 soit originellement une actuali-
sation évoquant Josias, lequel pouvait apparaître comme la figure
capable de restaurer l’Israël né de l’exode. E. Zenger le fait remar-
quer lui-même: la requête d’un homme rendu fort est en tension
38
A. ROFÉ, “The Text-Criticism of Psalm 80 – Revisited”, VT 61 (2011)
298-311.
39
H.S. KIM, “A Critic against God. Reading Psalm 80 in the context of
vindication”, Why? ... How Long? Studies on Voice(s) of Lamentation Rooted
in Biblical Hebrew Poetry (eds. L.S. FLESHER – C.J. DEMPSEY – M. BODA)
(London 2014) 109.